La planification urbaine de Zurich West
La commune
Une caractéristique importante dans l’organisation territoriale de la ville de Zurich est la division en Kreis que l’on pourrait comparer aux arrondissements parisiens. Chaque Kreis possède une identité, des caractéristiques urbaines propres. Au niveau social, on peut également noter d’importantes différences selon les Kreis (catégories d’habitant, niveau de revenu,...). Ce découpage territorial est dû au fait que chaque Kreis définissait auparavant une commune indépendante. La commune de Zurich, historiquement située dans le Kreis 1, s’est développée en incluant les communes limitrophes au cours de son histoire, ce qui est une particularité en comparaison aux autres villes suisses.
Selon la définition donnée par l’OFS «est appelée ville toute commune de plus de 10’000 habitants ou plus». La ville de Zurich comptait en 2010 370’000 habitants, ce qui en fait et de loin la première commune helvétique. Par comparaison la commune de Genève compte 190’000 habitants. Mais ces chiffres doivent être replacés dans leur contexte pour pouvoir être mieux compris.
La commune de Zurich s’étend sur 8’788 ha alors que celle de Genève s’étend sur 1’593 ha. Cette importante différence de surface est due au fait que la ville de Zurich a englobé les communes alentours comme expliqué précédemment. Ce phénomène s’est fait en plusieurs étapes, jusqu’à la constitution des limites administratives actuelles en 1934.
Cette particularité a comme avantage actuel de limiter les problèmes fonciers. C’est-à-dire les blocages administratifs limitant le développement territorial de la ville, dus parfois à des inadéquations entre les politiques de planification territoriale de communes différentes. Une commune urbaine cherchant activement à se développer de par une pression urbaine forte (demande de logements, d’infrastructures), tandis que des communes périphériques cherchent souvent à maintenir leur aspect rural, de tranquillité en opposition à la ville.
Ainsi la ville de Zurich a obtenu la possibilité d’avoir une bonne maîtrise de son développement. Les plans directeurs et d’affectation pouvant être plus facilement mis en oeuvre par l’existence de cette commune élargie et donc du nombre d’acteur réduit. Ceci représente un avantage décisif pour le développement de la ville de Zurich et donc de son agglomération. De par son organisation territoriale, la ville possède ainsi un pouvoir décisionnel efficace.
La distance nord-sud est de 12,7 km est celle est-ouest de 13,4 km. Une particularité de la ville est qu’elle se situe dans une vallée, le «Limmattal» délimitée par le Lac de Zurich, et deux collines Käferberg à l’est et Uetliberg à l’ouest, qui définit le point culminant de la commune (871m). Le développement actuel de la ville, se fait notamment en direction du nord-ouest, sur l’axe du «Limmattal». En plus de celui-ci, un deuxième axe, appelé le «Glattal» se situe au nord-est de la ville, à proximité de l’aéroport de Kloten. Le Limmattal et le Glattal sont de nos jours les deux territoires stratégiques sur lesquels se joue le développement de la ville et de l’agglomération zurichoise.
L’agglomération
L’agglomération doit remplir comme première condition selon l’OFS, d’être «un ensemble d’au minimum 20’000 habitants, formé par la réunion des territoires de communes adjacentes», ce qui est largement le cas de l’agglomération zurichoise.
Par comparaison à la ville, l’agglomération comprend 1,08 million d’habitants, s’étendant sur 132 communes. Ce qui représente et de loin, la première zone urbaine suisse. Elle représente aussi le noyau d’une aire métropolitaine plus large s’étendant aussi sur les cantons d’Argovie et de Schwyz
L’aire métropolitaine inclut donc également dans le sens donné par l’OFS, les agglomérations de Winterthur et Rapperswil.
La gouvernance
La gouvernance de la ville, répond à la structure administrative suisse. Structure dans laquelle la commune la plus petite unité administrative, possède un grand pouvoir décisionnel. Vient ensuite le pouvoir cantonal et celui de la confédération. L’organisation politique municipale se répartit entre le conseil communal (Gemeinderat) et le conseil de ville (Stadtrat). Le premier est composé de 125 membres, représentant chacun un des Kreis composant la ville. Le nombre de représentant de chaque Kreis étant défini proportionnellement à la population. Le conseil de ville est lui composé de 9 membres. Les deux chambres sont renouvelées par la voie des urnes tous les quatre ans. Il n’existe pas à Zurich une instance politique représentant l’agglomération comme on peut par exemple le voir dans certaines agglomérations françaises.
On peut dès lors se demander si la structure de gouvernance correspond à la réalité territoriale, et si elle est à même de pouvoir gérer le développement, les mutations territoriales.
Problématique
A présent que les caractéristiques définissant l’organisation du territoire zurichois ont été explicitées, le travail va s’interroger sur les notions de diversité, différence en les confrontant à un projet de grande envergure située dans la ville étudiée. Ce projet est la requalification de friches industrielles situées dans l’ouest zurichois. Le projet urbain ainsi que sa zone d’intervention est communément appelé Zürich West.
L’exemple de Zürich West
L’ouest zurichois était auparavant le quartier industriel de la ville. Il était idéalement situé, à proximité du centre ville et d’une voie de chemin de fer, et donc bien connecté avec Winterthur, la grande ville industrielle de cette région.
Avec la rapide et profonde désindustrialisation de la zone des années 1970, 1980, ce quartier était à redéfinir afin de lui réinventer un avenir. Ceci prenait d’autant plus de sens qu’il était situé à proximité du centre ville et d’infrastructures de transport.
A partir de 1997, avec le premier Stadtforum, la ville de Zurich mit donc en place une politique de planification urbaine pour ce territoire urbain. Le plan d’affectation et le plan de zone datent eux de 1999.
Mais il est important de noter qu’il y eut une période s’étalant sur une dizaine d’année, (environ 1985-1995) les limites n’étant pas clairement définies, entre la fin de la désindustrialisation et la mise en place d’une planification urbaine. Durant cette période, ce quartier connut un fort dynamisme culturel, avec l’ouverture de salles de concerts, de galeries d’art, de théâtres, profitant des espaces disponibles dans les anciennes halles industrielles. Cet exemple montre bien que même sans planification urbaine, un changement d’usage s’est effectué. Ceci s’est accompagné d’une augmentation de la diversité et de la différence sociale, en effet un public souvent jeune, sans liens avec le passé industriel du site, fréquenta ce territoire urbain.
Ce constat m’amène à poser la question suivante, de quelle manière la culture peut-elle contribuer à valoriser les notions de différence et de diversité ? Mais aussi quelle est leur place dans un processus de planification urbaine ? Ceci dans le cadre de l’opération de régénération urbaine de Zurich West.
Notion de diversité et différence
L’hypothèse est que les notions de diversité et différence sont de nos jours des valeurs positives, devant être valorisés afin de développer une ville vivante. Il existe plusieurs types de diversité (des usages, des populations, des modes de transport,...). La problématique abordée porte principalement sur la diversité culturelle (catégorie professionnelle, classe d’âge, ...).
«La diversité qualifiant autant le contenant que le contenu, la provenance que la destination» (M. Ruzicka-Rossier), elle conditionne l’existence de la ville. Cependant la diversité n’est pas une valeur unanimement acceptée, en effet une partie de la population cherche à la nier voire s’y oppose mais là n’est pas le propos de ce travail. Diversité et différence sont dans le contexte urbain intimement liées car «la diversité est l’acceptation des différences» (M. Ruzicka-Rossier)
Si l’on se réfère aux définitions, la diversité est «Le caractère de ce qui est divers, varié, différent.» (Larousse). Cette notion possède dans ce cas une valeur clairement qualitative. (Quelle est la qualité de la différence?)
La définition de la différence possède elle plusieurs sens, elle peut être soit «Une absence de similitude» ou «Un écart entre deux ou plusieurs choses». Dans tous les cas, il s’agit d’une notion comparative entre deux références, elle est donc quantitative. (Quelle est la quantité de différence ?)
Ce qui montre bien que ces notions sont étroitement liées si l’on souhaite comme dans ce travail les utiliser comme facteurs participants à la définition d’un territoire. Mais cette approche peut s’avérer fastidieuse pour définir la qualité d’un territoire, car la planification urbaine utilise principalement la densité et la mixité comme outils, qui ont l’avantage d’être chiffrables, mesurables.
Diversité et différence à Zurich West
Les lignes directrices établies par la ville de Zurich dans le projet de planification urbaine pour Zurich West peuvent se résumer comme suit:
-La diversité des fonctions (recherche, design, divertissement et culture, restauration, habitat urbain, sports) doit être améliorée, défendue.
-Les infrastructures nécessaires doivent être établies.
-La planification doit s’établir sur un phasage des opérations réaliste
-Le développement doit prendre en compte la durabilité économique, sociale, écologique.
-Le développement doit participer à la nouvelle identité de la ville. Pour aller dans ce sens, une haute densité est requise avec une forte proportion de logement (20-30% de la surface bâtie).
-Une haute qualité urbaine et architecturale est requise.
-Le développement doit si possible se faire par une procédure participative.
Ceci met bien en évidence les volontés de planification urbaine de la ville, se basant principalement sur des objectifs chiffrables de densité et mixité dans ce cas, mixité fonctionnelle. Les notions de diversité/différence apparaissent dans l’objectif de démarche participative. Il est cependant difficile d’établir des objectifs clairs concernant la diversité et la différence car ces notions demeurent difficiles à évaluer.
Culture et diversité/différence
Dans ce contexte, le rôle de la culture est essentiel. Car la planification ne peut pas, et peut être heureusement, tout résoudre.
La culture a le potentiel de favoriser la diversité, ceci par la créativité artistique. Mais aussi, elle permet à un nombre élargi de personnes d’horizons les plus divers de fréquenter un territoire urbain. Ces éléments participant à amplifier sa potentialité de départ.
On pourrait donc qualifier la culture de «générateur de possibilités» mais aussi de «vecteur de diversité». Car une augmentation des possibilités va souvent de pair avec une plus grande diversité.
Un autre élément participant à l’idée de culture comme vecteur de diversité est qu’elle participe à la construction d’une image propre à un territoire urbain. Ce phénomène apparaît notamment avec le développement de projets emblématiques destinés à la culture. Avec dans le cas de Zurich West, l’exemple du Schiffbau. Ancien bâtiment industriel contenant la plus grande scène de théâtre en Suisse.
Dans la même ligne, a été développé la Maag Halle, comportant des salles de concert, des bars.
Ces projets participent à la constitution d’une nouvelle identité au quartier de Zurich West, différente de l’identité industrielle historique. Mais tout en gardant des traces du passé, donc dans un sens assumant les différentes affectations passées de celles présentes. Ceci est signe de différence et donc de diversité.
Cette constitution d’une identité à travers la culture participe donc au sens large à la construction de la ville polycentrée, qui est un des objectifs urbanistiques suisses avec de la Loi sur l’Aménagement du Territoire (LAT).
Chaque nouvelle centralité devant se positionner par rapport à la principale, la ville centre, si possible en la complétant. Cependant les nouvelles centralités ne pourront que difficilement concurrencer les centres historiques. Ainsi Zurich West, peut se profiler comme le nouveau cœur culturel de l’agglomération zurichoise.
Mais en spécifiant des identités propres à ces nouvelles centralités, le risque est de réduire la diversité de chaque lieu, en réduisant leurs fonctions. Ce qui reviendrait à réduire le rôle de lieu d’échange et de rencontre qui est propre à la ville.
Pour l’exemple étudié, ce risque de mono fonctionnalisation des affectations suite à un processus de planification semble éloigné. Car les souhaits de mixité fonctionnelle émis dans les lignes directrices de la planification ont été respectés, et en plus des fonctions liées à la culture, on peut trouver des logements et beaucoup de surface de bureau.
Conclusion
Il a été précédemment mis en évidence que les volontés initiales de la ville vont dans le sens d’une forte mixité et densité avec sous-entendu la question de la diversité et de la différence. Ceci en se référant à la notion vue au cours (ville=densité + mixité + diversité M. Ruzicka-Rossier) En ce début d’année 2013, après une reconversion ayant duré une vingtaine d’année, il est possible d’analyser le résultat de cette planification afin de savoir si les objectifs initiaux ont été atteints.
D’autres projets de grandes envergures, non destinés à la culture mais principalement à l’activité commerciale et dans une moindre mesure au logement ont été construits dans le quartier de Zürich West. Notamment la Prime Tower, des architectes Gigon et Guyer qui est de nos jours le plus haut bâtiment de Suisse mais aussi la Renaissance Tower, de Diener Diener, récemment terminée ou encore la Löwenbräu Areal, en chantier, situé sur une ancienne brasserie rénovée. Ces grands projets s’inscrivent dans un cadre large portant sur la constitution d’une identité propre à l’ensemble de l’aire urbaine zurichoise, à laquelle participe l’architecture.
Identité élevant Zurich à un statut de ville mondiale pouvant rivaliser internationalement avec ces concurrentes. Le développement de Zürich West, qualifié à tort ou à raison de «Downtown Switzerland», peut être défini comme un rassemblement de «landmark», de repères visuels comme autant de symboles hétéroclites permettant à la ville de mieux se développer économiquement et de gagner quelques précieuses places dans les fameux ranking mondiaux.
Dans cette situation, bien que la densité, la mixité et la diversité architecturale souhaitée soient présentes, ceci ne va pas de pair avec la diversité dont nous parlons. Car les sommes considérables investies, poussent à une gentrification de ce quartier tant est si bien que les classes sociales populaires, intermédiaires sont absentes de Zurich West. De plus, la culture alternative présente sur ce territoire dans les années 90, a cédé le pas à une culture plus encadrée, conventionnelle, s’adressant aux nouvelles catégories sociales aisées fréquentant Zurich West. On a pu donc assister à une «boboïsation» rapide de ce quartier dans les années 2000, s’accompagnant donc d’une réduction de la diversité sociale, culturelle. La culture ayant des difficultés à maintenir son rôle de vecteur de diversité, défini précédemment.
Je pense cependant que la démarche de la ville est juste en proposant des objectifs quantifiables de densité et de mixité. Car la planification ne peut pas résoudre tout, elle a la capacité de poser un cadre amplifiant le champ des possibilités, permettant ainsi à la diversité et la différence de se développer.
Mais force est de constater que bien que les objectifs de planification aient été atteints. Le résultat quant à la diversité, reste en demi-teinte, demi-échec ou demi-succès pour une ville en mutation.
Bibliographie
-Schuler Martin: Les niveaux géographiques de la Suisse, Office fédéral de la statistique, Berne, 1997
-Entwicklungskonzept Zurich West, Hochbaudepartement der Stadt Zurich, 2000
-Leitlinien Zurich West, Hochbaudepartement der Stadt Zurich, 2000
-Roderich Hönig, Roger Frei, Zürich wird gebaut, Edition Hochparterre, 2010
-http://www.are.admin.ch/themen/agglomeration/00667/00687/index.html?lang=fr
Plan d'urbanisme du quartier de Zurich West avec les espaces libres mis en évidence
Le quartier de Zurich West desservi par de nouvelles lignes de tram
Maquette du Hardturm Areal proposant uin nouveau stade et des logements